Comment penser des “expériences usagers” ?”
Retour d’expérience sur une journée de formation-action à destination de cades dirigeants d’entreprises publiques locales sur le campus d’HEC Paris, à Jouy en Josas.
Qui sont-ils ?
Ils sont dirigeants d’EPL: comme la société publique locale d’exploitation des transports publics et des services à la mobilité de l’agglomération paloise, le groupement d’innovation territoriale soutenable de Grenoble, ou encore le Service de l’eau d’ Angoulême, ou l’exploitant et le gestionnaire du Marché d’Intérêt National de Nantes Métropole. Aussi variés que cela.
Des dirigeants, de différents métiers, venus de toute la France, réunis sur le campus d’HEC dans le cadre d’un programme long certifiant où ils s’acculturent et se musclent autour de différents sujets business. Je les imagine curieux, engagés, gourmands de prendre tout ce que cette formation HEC peut leur apporter et en même temps, concrets, pragmatiques et en attente de conseils actionnables à mettre en œuvre dès lundi matin.
Le mystère
Je prépare une séquence de travail de 6h avec eux. C’est un défi amusant alors que je ne sais pas combien la notion “d’usager” leur est familière ? Combien sont-ils au clair sur les acteurs de leur écosystème de valeur ? au clair sur leur proposition de valeur ? au clair sur l’importance de l’usager et de ses attentes dans leurs métiers respectifs ? Bref, je ne sais rien de leur proximité culturelle à ces notions qui structurent mon enseignement et combien la question de “l’expérience usager” les anime ou les laisse dans une douce indifférence.
Ce que j’ai imaginé
En amont de la journée, je leur ai demandé de recueillir différentes histoires d’expériences client mémorables autour d’eux, auprès de leurs collègues, de leurs enfants, de leur entourage ; des histoires mémorables parce qu’exceptionnellement réussies ou plantées… et nous allons commencer le travail par une élaboration collégiale autour de ce qui caractérisent les expériences clients réussies. J’ai déjà testé cette séquence collaborative qui part des expériences de chacun, donne de l’énergie au groupe et surtout nous pose “tous comme experts des expériences clients” parce que “cobayes” ou “parties prenantes”. Une bonne entrée en matière pour expliciter avec eux les aspects clés à retenir et les placer dans une logique orientée expérience.
Dans la deuxième séquence de travail, je les invite à faire la bascule d’eux comme “consommateur-producteur d’expérience” vers eux “designer-producteur d’expériences”. Pourquoi est-ce important dans leur contexte professionnel de s’intéresser (ou pas) à cette orientation expérience usager ? Et surtout quels sont leurs leviers d’actions pour y parvenir ? J’alterne apports théoriques et exercices individuels pour tisser des liens entre les concepts présentés et leur contexte spécifique.
La troisième séquence est un temps de mise en pratique en en sous groupe autour d’un cas réel. Objectif : explorer les motivations d’un de leurs utilisateurs réels et représenter l’expérience actuelle grâce à un bon vieux travail sur un canevas persona puis un canevas parcours client…rien ne remplace la pratique des gammes ! Une bonne manière d’explorer ce à quoi ressemble l’expérience actuelle vécue, et surtout d’identifier des premières pistes pour améliorer cette expérience !
Ensuite, retour en plénière et rebonds sur les questions qui émergeront. Je compte illustrer les bénéfices de cette approche au travers d’exemple d’entreprises telles que Chateauform, Booking ou Amazon. Je garde sous le coude quelques apports complémentaires que j’utiliserai en fonction de nos échanges…
Un apport sur le “design thinking” pour dégonfler la bulle de hype et faire un peu de pédagogie sur la fertilité des “pratiques de designer” et ce qu’elles apportent, un apport sur comment mobiliser les usagers dans l’amélioration (ou la réinvention) des expériences existantes, un apport complémentaire autour du “service blueprint” — un outil que je trouve plus puissant que le classique parcours client, par la puissance de l’image du théâtre et tous les compléments internes organisationnels qu’il apporte.
Enfin, la dernière séquence sera plus introspective # back to reality autour d’un temps de plan d’actions individuels et mises en perspective autour du cas fil rouge qu’ils travaillent tout au long du programme, histoire de ré ancrer les apprentissages de l’expérience de l’après-midi dans la réalité de leur pratique.
Ce qui a marché et m’ouvre l’appétit
La journée s’est déroulée dans la bonne humeur et le plan de vol a très bien fonctionné, suscitant de belles conversations et débats… beaucoup d’engagement, de questionnements et de controverses.
La modalité collégiale autour des histoires individuelles est vraiment puissante. Partir des histoires, partir des vécus, pour collectivement élaborer la structure sous-jacente pour concevoir et délivrer des expériences réussies… et démonter en passant un certain nombres de clichés quant à la place du digital ou l’impératif de surprendre et ravir son client (vs faire son boulot avec constance et fiabilité).
L’apport sur sur la constellation d’acteurs et surtout le focus sur le client final avec une séquence hommage à Johnny (“on a tous en nous quelque chose de B2C” — pour signifier l’importance de “penser à l’usager final”, même dans un contexte B2B) suscite des débats controversés entre les participants ! Petits moments d’épiphanie pour ceux qui soutiennent mordicus qu’ils n’ont pas d’usager final au début….et progressivement changent de perspective pour clarifier au service de quels bénéficiaires, au bout du bout ils travaillent!
Cela me donne envie d’explorer aussi les représentations métaphoriques (et les valeurs associées) à ces questions d’orientation client — combien est-il aspirationnel d’être au service et à l’écoute du client ? Le changement de perspective s’accompagne d’un changement de posture dont je mesure combine il peut être épineux.
Un peu triste de n’avoir pas eu le temps de testé l’exercice pour inventer des expériences WAOW un brin folles. L’idée était de réinventer l’expérience des passagers d’un ascenseur en poussant des curseurs à l’extrême. C’est un exercice que j’ai inventé suite à un programme avec des dirigeants d’un ascensoriste alors que je m’attristais du côté très planplanbof de leurs idées d’améliorations de l’expérience vécues par leurs passagers. Ce sera pour la prochaine fois !
Chloé, Février 2021
Au plaisir de pouvoir partage cette expérience, de croiser les perspectives et d’en inventer d’autres pour accompagner la réinvention des organisations dans la mise en place de cette orientation expérience.